Autrefois populaire puis totalement disgracié, pour ne pas dire ringardisé, le couteau de poche se réinvente. Ultralight et design, Deejo affiche une trajectoire étonnante et une personnalité bien tranchée !
Cet ovni du XXIe siècle est le dernier-né d’une lignée de canifs imaginés au fil du temps. Pile dans son époque et d’une conception révolutionnaire, il a connu, comme beaucoup d’inventions, un destin qui doit tout au hasard. En fait, ce couteau de poche Deejo aurait dû rester dans le monde pour lequel il a été imaginé en 2010 : celui des randonneurs et des baroudeurs. Au lieu de quoi, l’objet super-profilé imaginé par la marque outdoor Baladéo est aujourd’hui vendu dans les concept-stores les plus pointus du monde entier !
Mais qu’a-t-il donc de si particulier ? Tout d’abord, son poids plume : son manche ne pèse pas plus lourd que sa lame, d’où une légèreté inédite. Ajoutez à cela un design hypernovateur et le bouche-à-oreille : vous avez tous les ingrédients nécessaires pour écrire une histoire aussi belle qu’un roman. Amis depuis leurs études en école de commerce à Clermont-Ferrand, Stéphane Lebeau et Luc Foin (46 et 47 ans aujourd’hui) créent en 1995 Baladéo, une marque qui propose des accessoires pour randonneurs.
Le duo a mis du temps avant de s’imposer sur le circuit trek. « On manquait tellement de moyens qu’on a fondé Baladéo dans le salon des parents de Stéphane ! On imprimait nous-mêmes nos cartes de visite avant de les découper aux ciseaux », plaisante Luc. Peu à peu, leur société se muscle – en 2016, elle compte 30 collaborateurs, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et ses articles se vendent en boutiques spécialisées (dont Le Vieux Campeur et Décathlon) et dans pas moins de 30 pays.
La folie de l’ultra léger
« Au départ, nous étions négociants de boussoles ou de jumelles, puis, peu à peu, Stéphane a commencé à dessiner nos propres produits que nous faisions ensuite fabriquer en Asie », précise Luc. Or, il y a cinq ans, le monde de l’outdoor fait sa mue en allégeant doudounes, tentes ou duvets. Ingénieux, Stéphane Lebeau saisit l’occasion pour concevoir son fameux couteau ultralight. « Jusque-là, un couteau léger était de petite taille. Le randonneur bidouillait en général son propre modèle avec une lame de cutter enfoncée dans un bouchon en liège ! » précise Luc Foin.
C’est ainsi que naît ce canif alluré qui ne pèse que 37 g. Baladéo le présente en 2010 au milieu de ses nouveautés au salon outdoor international le plus réputé de la profession, celui de Friedrichshafen, en Allemagne. Bingo, à peine né, le couteau de poche – baptisé 37 g – gagne le fameux Industry Award. Mêlant technologie, équilibre, poids plume et silhouette élégante, il s’impose devant 400 concurrents. Les lauréats ne mesurent pas immédiatement l’impact de la récompense.
« En fait, notre 37 g devient tout à coup incontournable. Les acheteurs de plusieurs pays européens – Pays-Bas et Allemagne en tête – ne nous demandent pas combien nous le vendons, mais quels volumes nous pouvons fournir, car c’est “le” produit à référencer d’urgence en magasin de sport. Nous en avons vendu 20 000 exemplaires la première année, c’est énorme », se souvient Luc Foin. Viennent ensuite les versions 27 g puis 15 g. La silhouette évolue, s’épure, s’allonge. Stéphane Lebeau ajoute des décors colorés pour retrouver l’objet tombé dans l’herbe.
Le Deejo, un compagnon ultrachic, personnalisable
Ni vu ni connu, en moins de quatre ans, la star de la rando va prendre la poudre d’escampette en s’affichant dans les vitrines de boutiques hype à New York. Loin de s’en douter, Luc Foin et Stéphane Lebeau le distribuent toujours dans les magasins de sport. Heureusement, un commercial va les avertir du phénomène et nos concepteurs comprennent vite qu’une clientèle très éloignée de l’outdoor l’a adopté. Illico, une page se tourne. Retiré du catalogue Baladéo en 2014, le couteau prend son envol sous la marque Deejo (de « Joe » ou « pote » en argot américain), créée en même temps que l’atelier de Bagnolet.
Les pièces, fabriquées en Asie, y sont montées et bichonnées par six employés qui assurent le finissage, l’affûtage et le contrôle qualité. « L’agence de consulting BETC nous a aidés à mettre en forme l’image d’un couteau beau et attachant », confesse Luc Foin, qui offrira à son fétiche une campagne télévisée, chose rare pour un produit de ce type (seule Victorinox s’y est risquée). Compagnon chic plié au fond de sa poche, le couteau est édité en trois tailles, avec plusieurs types de lames (tatouées, par exemple, d’un poisson ou d’un dragon) et différents manches selon les essences de bois. Rien de plus facile que de le customiser directement sur le site.
« Nous y proposons un marquage en 35 caractères. Cette innovation permet de graver au laser un message sur la totalité de la lame ou du couteau. » Les clients font donc assaut d’imagination en inscrivant coordonnées GPS, dates anniversaires ou déclarations d’amour. Au grand bonheur de ses concepteurs, le bel objet frime au restaurant à la vue d’un steak, comme hier le grand-père sortait sans vergogne son canif pour éplucher sa pomme. Six mille adresses, souvent atypiques, le référencent dans le monde : librairies de livres d’art (Artazart à Paris), opticiens de luxe ou même créateurs-fleuristes. Avec un modèle vendu toutes les 20 secondes, la marque croît de 20 à 30 % par an depuis sa création, n’ayant d’autres concurrents, selon Luc Foin, que Zippo, Moleskine ou Swatch… Ou l’aristocratie des joujoux pour dandys.
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